« Ar-Riwaya, mamlakat hada el âasr » de Hamid Abdelkader : Une histoire du roman

Hamid Abdelkader fait partie des personnes que je ne vois pas souvent certes mais avec lesquelles je parle le plus de littérature. Nos échanges portent principalement sur le roman, algérien et étranger. Je nous revois en train de parler du roman algérien contemporain, lui me disant que les écrivains algériens ont mis de côté les descriptions (lieux, espaces) et préfèrent évoquer leurs états d’âme signant des romans introspectifs sans fantaisie, et moi lui rétorquant – comme pour clore la discussion ou pour éviter de trop réfléchir à ce sujet et ainsi renoncer à lire pour une période – « eh bien écris un livre ! »

Et il l’a fait ! Hamid Abdelkader a publié, en octobre dernier, aux éditions MIM, un essai en langue arabe sur le roman qu’il a intitulé « Ar-Riwaya, mamlakat hada el âasr » (Le roman, royaume de cette époque).

Ce livre est, en fait, un recueil d’articles, de chroniques et de réflexions, adaptés et actualisés pour certains, qui ont été publiés dans le quotidien « El Khabar » (chronique hebdomadaire « Maraya ») ou dans le magazine « Doha », et à travers lesquels il a déclaré son amour pour la littérature et particulièrement le roman, en rappelant notamment ses « dimensions humaines et esthétiques », et son originalité qui se situerait dans son « intérêt pour les marges » et son évocation du « non-dit ». Hamid Abdelkader, journaliste et auteur de quatre romans, évoque également la curiosité de l’écrivain ; et plutôt que « témoin », il serait, pour lui, « un historien créatif de son époque ». L’auteur signe des textes sur les influences littéraires, le rôle de la critique (déconstruction/reconstruction d’une œuvre littéraire), le rapport à la ville (ou « le complexe de la ville »)…

L’ouvrage concerne, dans sa première partie, la littérature algérienne, avant de nous faire voyager dans les imaginaires du monde.

Parmi ces territoires, la Scandinavie et le boom du polar scandinave et plus généralement des fictions de cette région du monde. Hamid Abdelkader cite les auteurs les plus en vue comme Jo Nesbo (Norvège), Henning Mankell (Suède), Arnaldur Indridason (Islande), mais aussi ceux qui les ont, d’une certaine manière influencés, à savoir Per Wahlöö et Maj Sjöwall, auteurs d’une série de dix romans intitulée « Roman d’un crime », publiée entre 1965 et 1975, et qui suit les aventures du détective de la police suédoise Martin Beck – Henning Mankell (disparu en 2015) a préfacé un des dix tomes. Influencé par les « Sagas islandaises » dans leurs narrations, ces écrivains racontent le monde dans lequel ils vivent, à travers des personnages en proie à des problèmes intérieurs, qui voient dans quel monde terrible nous vivons, tous les jours et à chaque enquête.

L’auteur s’étale sur la littérature américaine, ses auteurs, ses problématiques et questionnements, et notamment le sentiment de « dislocation ». Il signe également un article très bien documenté sur la figure du dictateur dans la littérature arabe, son apparition tardive et la frilosité autour de ce thème bien que « le roman arabe soit un roman politique par excellence ».

Somme toute, tant de portraits d’auteurs, tant d’histoires, d’anecdotes et de réflexions sont réunis dans cet essai qui dévoile les mystères du roman et la recette de son succès. La plus importante est sans doute son aspect « agrégateur » (genres littéraires, tendances, modes, thèmes…), qui harmonise le chaos de l’écriture et du monde.

Sara Kharfi

« Ar-Riwaya, mamlakat hada el âasr » de Hamid Abdelkader. Essai, 168 pages, éditions MIM, octobre 2019.


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