« LE SILENCE DES DIEUX » DE YAHIA BELASKRI : Histoire d’une quête de liberté

Dans le roman « Le Silence des dieux », paru initialement aux éditions françaises Zulma et publié en novembre 2024 aux éditions El Kalima, Yahia Belaskri dresse une fresque poignante sur les mécanismes de l’enfermement, qu’il soit physique ou mental, et sur la façon dont la privation de liberté affecte la nature humaine.

Le récit nous plonge au cœur d’un village nommé la Source des Chèvres, où les habitants se réveillent un matin pour découvrir qu’ils sont coupés du monde extérieur. Aucune explication, aucun signe précurseur ne leur avait laissé prévoir ce qui s’apparente à un emprisonnement collectif. Peu à peu, un vent de panique s’installe et, face à l’angoisse, les villageois sombrent dans la désunion. Ils se laissent dévorer par les soupçons, la jalousie et les rancœurs enfouies.

Le confinement forcé agit comme un miroir déformant des failles humaines : la peur engendre la suspicion, la survie prime sur la solidarité, et les tensions révèlent les dissensions profondes qui minaient déjà leur communauté. Pourtant, au sein de ce chaos naissent aussi des actes de bravoure, des élans de courage et des résistances inattendues, dévoilant la capacité des individus à transcender leur condition.

Au centre du récit, Abdelkrim incarne cette quête de compréhension et de liberté. Pendant plusieurs jours, il tente inlassablement de prendre l’autocar reliant le village à la ville, mais se heurte à une réalité implacable : toute sortie est impossible. Son désespoir et son impuissance se propagent au reste des habitants, qui oscillent entre agitation, colère, incompréhension et, finalement, une forme de résignation.

Mais alors que la raison semble s’effacer sous le poids de l’angoisse, c’est Ziani, le fou du village, celui que l’on évite et dont on se moque, qui s’érige en porte-parole d’une sagesse insoupçonnée. Par ses prédictions et ses clameurs, il dénonce l’aveuglement collectif et exhorte les siens à rompre avec leur passivité. Sa voix, souvent ignorée, devient pourtant un phare dans la nuit de leur isolement. Les femmes, quant à elles, jouent un rôle central dans cette dynamique. Animées par une force instinctive et une volonté inébranlable, elles refusent de se laisser enfermer dans une fatalité imposée. Elles se dressent contre la passivité ambiante et tentent, à leur manière, de redonner un souffle d’espoir à la communauté.

« Le Silence des dieux » est un hymne à liberté, un écho universel aux oppressions de toutes époques et de tous lieux. Le village sans nom pourrait être situé n’importe où, tant son histoire résonne avec l’expérience humaine dans ce qu’elle a de plus tragique et de plus lumineux. En outre, la poésie traverse tout le roman. Elle est le fil conducteur qui rappelle que la liberté, si durement acquise, demeure la plus précieuse des richesses humaines.

Sara Kharfi


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