« Al AÂIDOUN MINA EL HARB » : La résistance en partage et en héritage

La pièce de théâtre « Al Aâidoun mina el harb » (les revenants de la guerre) du Théâtre régional d’Oum El Bouaghi a été présentée mardi 24 décembre 2024, à la grande salle Mustapha-Kateb du Théâtre national algérien Mahieddine-Bachtarzi, dans le cadre de la 17e édition du Festival national du théâtre professionnel d’Alger (FNTP), qui s’est tenue du 20 au 30 décembre au TNA.

Ecrite par Kheireddine Belkadi, et mise en scène par Lahcène Chiba, cette œuvre traite de la cause palestinienne, en plaçant la résistance et la lutte comme axes centraux de la quête de la liberté et de la justice. Au-delà de l’aspect militant de la pièce, elle s’inscrit dans le dispositif théâtral de « théâtre dans le théâtre », qui dépasse le cadre de la structure narrative pour devenir un moyen d’explorer les frontières entre réalité et fiction, entre l’action sur scène et la réflexion sur le rôle de l’artiste dans un contexte de guerre.

L’ouverture de la pièce rappelle les mécanismes du théâtre classique tout en les subvertissant. Un des comédiens, sur scène, installe le décor de la pièce que la troupe va jouer, ce qui créé un effet de distanciation avec la fiction qui va se déployer. A l’instar de « Six personnages en quête d’auteur » de Luigi Pirandello, cette entrée en matière établit un jeu de miroir entre les acteurs et le public, brouillant les frontières entre répétition et représentation. Les comédiens échange, improvisent, dansent et chantent avec de s’engager dans le cœur de la pièce, symbolisant ainsi le passage de la légèreté à la gravité de leur sujet : le drame palestinien.

La pièce se déroule dans deux espaces distincts, qui représentent des mondes opposés et en confrontation. Le premier se situe dans la maison du général et archéologue, Moussa, et met en scène ses échanges avec Abu Fares, un espion et allié de ses projets expansionnistes. Ensemble, ils fomentent des plans pour occuper illégalement davantage de territoires palestiniens, convaincus que la guerre est la seule solution. Le général Moussa incarne l’idéologie sioniste coloniale. Le deuxième espace nous plonge dans le quotidien de Zineb, une jeune veuve profondément traumatisée par la mort de son mari au combat, qui lui avait un jour affirmé que chaque individu mène sa propre guerre. Le personnage de Zineb, désemparée et rongée par le deuil, décide alors de mener sa propre guerre en se rapprochant de l’ennemi : elle accepte de travailler pour le sinistre général Moussa dans l’espoir de venger son mari et de jouer un rôle dans la lutte pour la liberté de son peuple.

L’espace de jeu était aménagé en quatre rectangles, chacun servant à représenter un moment de l’action et des transformations psychologiques des personnages. Les chaises, simples éléments de décor, ont été utilisées de manière symbolique pour marquer les différentes étapes de la narration. Leur agencement sur scène illustre les séparations, les confrontations et les alliances qui se jouent au fil des scènes. Cette économie de moyens accentue la puissance des dialogues et des émotions, permettant au spectateur de se concentrer sur l’essentiel : les conflits entre les personnages et la violence de la guerre.

Au-delà du deuil de Zineb et de son désir de vengeance, la pièce transmet un message plus large sur le pouvoir de la résistance et de la lutte collective. « Al Aâidoun mina el harb » arbore une réflexion sur la nature de la guerre, de la résistance, et de l’espérance. L’âme humaine y est mise à nu, confrontée à ses désirs, ses contradictions, ses croyances et ses rêves. La guerre est certes un fardeau et un drame, mais dans la lutte naît aussi l’espoir d’une victoire qui dépasse le champ de batailles pour toucher les cœurs des opprimés.

Sara Kharfi


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