La salle de spectacles du Palais Al Boustan à Mascate a accueilli, le mardi 14 janvier 2025, à 17h, une performance exceptionnelle dans le cadre de la compétition du 15e Festival du Théâtre Arabe, qui s’est tenu cette année du 9 au 15 janvier dans la capitale du Sultanat d’Oman. Ce fut un spectacle unique, fusionnant danse contemporaine et théâtre, présenté par la Shaden Dance Compagny de Palestine, intitulé « Rich » (Plumes). La performance a transporté le public dans un monde où le corps prend littéralement le pouvoir, en devenant à la fois un instrument de questionnement et une arme de résistance, en mettant en avant la relation de l’être humain avec des notions fondamentales telles que la liberté. Une invitation à une réflexion profonde sur les rapports de force et la quête de l’autonomie individuelle.
Mis en scène par Shaden Abu Elasal, « Rich » explore les relations complexes de pouvoir et d’interactions humaines. Quatre personnages se retrouvent dans un lieu clos, leurs vies entrelacées dans un espace où le rapport de force se joue à chaque mouvement. La danse devient le vecteur de cette exploration, et chaque geste dénonce l’influence du pouvoir sur la formation de l’identité, ses choix et sa quête de liberté. Dès l’ouverture du spectacle, deux danseurs s’abandonnent à leurs mouvements dans un espace baigné de lumière, incarnant une harmonie parfaite. Mais cette tranquillité est rapidement perturbée par l’arrivée d’un personnage qui brise leur complicité et impose sa domination sur eux. L’élément central de cette domination est un siège placé en hauteur, et un ensemble de livres, aux formats divers, qui devient le moyen par lequel ce personnage assois son pouvoir

La dynamique de soumission/ domination se renverse progressivement. Les danseurs, emportés par une énergie de plus en plus intense, trouvent le moyen de libérer leur corps, leur mouvement et leurs émotions dans une danse de résistance. Cette évolution dans la performance, qui met en lumière les rapports de force entre les individus, symbolise la lutte pour s’approprier/ se réapproprier son corps, sa voix.
Les interprètes Samiha Abbas, Anan Abu Jaber, Masha Semaan et Haya Khourieh ont livré une prestation magistrale, exécutant les mouvements avec une grande maîtrise technique et émotionnelle. Leur performance a transcendé le divertissement, permettant un véritable voyage visuel, où le corps en mouvement devient le reflet des tourments de l’âme humaine, tout en exprimant la force de sa résilience. Chaque pas, chaque geste est devenu une réflexion sur les luttes internes et externes que nous menons tous face à l’oppression.
« Rich » invite à une réflexion sur l’existence humaine, les défis qu’elle impose et les relations de pouvoir qui façonnent nos vies. Dans des sociétés marquées par des couches successives de domination et de contraintes, le corps devient le réceptacle de toutes ces violences, porteur de mémoire et de souffrance. Il porte les stigmates des générations passées et des vies marquées par l’injustice. Ce porteur de mémoire doit être libéré pour atteindre sa véritable essence. Il doit se débarrasser des silences et des compromissions, afin de se réapproprier sa complétude.

« Rich » est un puissant appel à la libération intérieure : pour pouvoir entreprendre toute action transcendante, il est essentiel de libérer d’abord son propre corps, qui devient ainsi le terrain de la quête de liberté. Un tel cheminement demande du temps, il faut peut-être toute une vie pour parvenir à une pleine compréhension de soi. Le but ultime étant de surmonter la douleur immédiate pour atteindre un état de paix intérieure, d’harmonie et, finalement, de rédemption.
Somme toute, ce spectacle est un manifeste du corps et de l’esprit, un parcours initiatique où la danse devient une métaphore de la quête de liberté et de réconciliation avec soi-même.
Sara Kharfi
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