La pièce « El Bakhara – Toxic Paradise » (Tunisie) aborde une thématique d’une brûlante actualité : la crise écologique et ses impacts dévastateurs sur l’environnement et les sociétés humaines. Présentée le dimanche 12 janvier 2025 à 17h au Palais Al Boustan de Mascate, à Oman, dans le cadre de la compétition de la 15e édition du Festival du Théâtre Arabe, cette œuvre a captivé le public et le jury. Elle a remporté la plus haute distinction du festival, le Prix de Son Altesse Sheikh Sultan bin Muhammad Al Qasimi.
Produite par la section théâtre de l’Opéra de Tunis, « El Bakhara – Toxic Paradise » a été coécrite par Elias Rabehi et Sadek Trabelsi, et mise en scène par ce dernier. La pièce s’intéresse principalement à la pollution environnementale et à ses répercussions sur la vie des individus. A travers l’histoire d’une famille composée du père, de ses deux fils et de l’épouse de l’un d’entre eux, elle explore les conflits intimes, sociaux et existentiels engendrés par cette crise écologique. Le père souffre physiquement et perd de plus en plus la tête, tandis que l’un des fils traverse des problèmes conjugaux, l’autre étant animé par une révolte profonde contre la situation et refusant de se soumettre à la fatalité. La belle fille/épouse, quant à elle, rêve de maternité et de romance et se réfugie dans les feuilletons télés qui lui permettent quelque répit et autre moments d’évasion dans son existence monotone et sans fards.
L’atmosphère de la pièce est lourde, parfois oppressante. Le décor, un mur sombre avec des ouvertures crée une sensation de monde clos et en déclin. Les personnages apparaissent et disparaissent à travers les ouvertures, symbolisant l’instabilité et la fuite d’une réalité en décomposition. La mise en scène a été enrichie par une projection vidéo en noir et blanc, accentuant le caractère dévasté de l’univers présenté. Cette projection accompagne le discours de la pièce en soulignant visuellement l’ampleur du désastre écologique et humain.
Un personnage particulier, s’exprimant en langue étrangère (français), incarne l’« l’autre » : un étranger venu polluer et détruire le pays. Cette figure symbolise l’influence de certaines multinationales sans éthique, responsables de l’exploitation des ressources naturelles et de la dégradation de l’environnement. Par son intervention, le personnage incarne l’impérialisme économique qui, au-delà de la pollution de l’air et de l’eau, détruit les sociétés en fragmentant et en exacerbant les inégalités sociales.

« El Bakhara – Toxic Paradise » est une critique de la situation écologique et s’attaque, avec force, à la manière dont la pollution met en péril les vies humaines, brise les familles et déstabilise les individus. En effet, la pollution ne se limite pas à des aspects environnementaux, elle affecte aussi l’ordre social et psychologique des personnes, les poussant à des tentions intérieures et à des luttes existentielles.
A travers une mise en scène virtuose, chaque mouvement, chaque interaction des comédiens est soigneusement travaillé pour rendre l’ampleur du désastre. Le souci du détail, de l’esthétique est également très prégnant dans cette œuvre. On y trouve quelque chose de très contemporain voire avant-gardiste. L’interprétation des comédiens était d’une grande intensité, reflétant avec précision la détresse et l’incompréhension des personnages face à une situation hors de contrôle et de portée. Le message de la pièce est à la fois fort et engagé, non seulement sur la question écologique, mais également sur la dislocation du lien familial et la manière dont la machine économique broie les vies humaines et détruit les structures sociales.
Ainsi « El Bakhara – Toxic Paradise » dénonce la catastrophe environnementale et met en lumière les souffrances humaines et les fractures sociales provoquées par cette crise. Un propos pertinent, saisissant et visuellement poignant, interpellant sur les conséquences dramatiques du modèle économique actuel et sur la nécessité urgente de repenser notre propre rapport au monde.
Sara Kharfi
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