Dans le cadre de la compétition du Festival du Théâtre Arabe, organisé à Mascate, capitale du Sultanat d’Oman, jusqu’au 15 janvier, la section de la Médecine dentaire de l’Université du Caire (Egypte) a présenté le spectacle « Macbeth The Factory » le samedi 11 janvier 2025 à 22h à la salle Madinat Al-Irfan Theatre. Cette œuvre offre une réinterprétation résolument moderne et futuriste du drame intemporel de William Shakespeare. Mise en scène par Mahmoud Al Husseini, qui a également signé la dramaturgie, cette adaptation plonge le spectateur dans l’univers d’une usine, où le jeune Macbeth, rongé par l’ambition et poussé par son épouse, assassine son oncle pour s’emparer du pouvoir. Mais cette ambition dévorante aura un prix élevé, celui de sa propre existence.
Dans cette version, la vision traditionnelle de Macbeth et de son Lady Macbeth est transposée dans un cadre industriel, où l’ambition se mêle à la mécanique implacable d’une société en perpétuelle évolution. Macbeth, encouragé par sa femme, est prêt à tout pour atteindre son objectif de domination. Toutefois, le poids de la culpabilité le ronge, et cette spirale de folie finit par détruire non seulement sa carrière mais aussi sa vie, entraînant sa femme dans une chute vertigineuse.
Un aspect novateur de cette adaptation réside dans le remplacement des emblématiques trois sorcières par une intelligence artificielle, « Modreka », qui annonce la prophétie à Macbeth. Cette IA, incitant Macbeth à suivre aveuglément ses désirs, se joint à lui dans une quête insensée d’ambition, malgré les dangers qui en découlent. Cette proposition technologique fait écho à un monde de plus en plus connecté, où l’humain semble se soumettre à la machine, jusqu’à en perdre son humanité.
Les comédiens Mohamed Elhadary, Yomna Fathy, Ahmed Magdy, Mohamed Yehia, Helana Nasef, Abanoub Latif, Shrouq Alesawy, Nadine Haroon, ont tous mis leur talent au service du texte, mais n’ont pas réussi à transmettre la force de l’œuvre, car contraints par une surabondance d’effets visuels et technologiques qui, au lieu de servir la narration, ont parfois réduit l’impact de leur jeu. Les nombreux gadgets, l’utilisation omniprésente des téléphones portables et de l’intelligence artificielle ont éclipsé les performances des acteurs, perturbant la fluidité du texte et la vision globale du metteur en scène.

Si le spectacle peut être impressionnant par son aspect visuel car ses créateurs ne nous ont épargné aucun procédé, il est cependant difficile de dire si la technologie était au service du théâtre ou l’inverse. A vouloir trop en faire, l’intention artistique a été noyée sous le poids des artifices, alourdissant le message au point qu’il perd en clarté. Le théâtre, comme nous le savons, repose sur l’action, mais il existe aussi des moments de répit, des haltes, des intentions qui portent autant de sens que les mots eux-mêmes. Dans ce spectacle, ces moments ont disparu, remplacés par une surcharge technologique qui a effacé la magie du théâtre vivant.
« Macbeth The Factory » est une œuvre hybride, où la technologie semble avoir pris le dessus sur l’art théâtral lui-même. Bien que l’effet de surprise ait fonctionné, il est important de se poser la question de la complémentarité entre la technologie et le théâtre. Dans cette production, c’est le théâtre qui semble asservi à la technologie, et non l’inverse. Le metteur en scène a certainement beaucoup appris de cette expérience : peut-être est-il désormais plus conscient de l’équilibre à trouver entre innovation technologique et respect des fondamentaux du théâtre, un art vivant par excellence. Le mérite de cette pièce et particulièrement de la vision réside dans le fait qu’elle nous a donné à voir l’avenir du théâtre, et tout ce qu’il faut faire ou ne pas faire pour que cet art ne perde pas son âme. Un retour vers le futur!
Sara Kharfi
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