LE SPECTACLE DE MARIONNETTES « AÂD AÂKSI » : Du tombeau au berceau   

Le Festival du Théâtre Arabe, organisé à Mascate, capitale du Sultanat d’Oman, se poursuit jusqu’au 15 janvier sous l’égide l’Autorité Arabe du Théâtre de Sharjah (Emirats Arabes Unis), en collaboration avec les partenaires omanais (ministère de la Culture, des Sports et de la Jeunesse et l’Association omanaise du Théâtre). Ce festival continue de mettre en lumière  diverses expérimentations théâtrales provenant de créateurs des pays arabes, qui réfléchissent à l’état du monde, à l’évolution des mœurs et aux transformations sociales. Les spectacles présentés, aussi bien en compétition qu’en hors-compétition, dans trois lieux différents (Palais Al-Boustan, Faculté des Etudes Bancaires, Mandinat Al-Irfan Theatre) interrogent la capacité de l’homme à résister et à se réinventer.  

Parmi les œuvres au programme, « Aâd Aâksi » (compte à rebours), un spectacle de marionnettes pour adultes, a été présentée en hors-compétition le dimanche 12 janvier 2025 à 19h à l’auditorium de la Faculté des Etudes Bancaires. Produit par le Théâtre national de Damas (Syrie), ce spectacle est coécrit et coréalisé par Samer Al Fakir pour la partie musicale, et Hanada Al Sabagh pour la partie marionnettes. Neuf manipulateurs de marionnettes (Aymen Al Jijekeli, Randa Chammas, Zeineb Dib, Jouri Aktaâ, Ahmed Al Abd, Nadwa Sawaf, Louai Al Halabi, Mohamed Ibraheem, Qosay Suleiman) ont donné vie à une cinquantaine de poupées articulées, qui racontent la vie d’un homme de manière inversée, en remontant le temps de sa mort à sa naissance. L’œuvre, dont la vision visuelle a été imaginée par Adham Safar, explore les conflits intérieurs de l’homme et sa capacité à maintenir son équilibre, tout en soulignant la simplicité et la brièveté de la vie.

« Aâd Aâksi » met en lumière une existence pleine de détails souvent ignorés, dont l’importance ne se révèle qu’avec le temps ou lorsqu’il est trop tard. Le spectacle commence par la mort et se termine par la vie, revisitant chaque étape de l’existence : de la mort à la vieillesse, jusqu’à la jeunesse et l’enfance. Une vie marquée par des instants de joie, de tristesse, de succès et d’échecs, de légèreté et de gravité, de renoncement et de conquêtes. Une existence en quête de sens, de compréhension de soi et des autres.

A travers le personnage principal, la pièce invite le spectateur à une profonde introspection sur sa propre vie. Arrivé à la vieillesse, le protagoniste meurt tout en revivant les souvenirs qui ont marqué son parcours : il voit ses funérailles, observe sa maison abandonnée, se remémore la chaleur de sa famille, les enfants qui ont grandi, les petits enfants… Il éprouve des sentiments contradictoires face aux préoccupations de la vie quotidienne, aux luttes intérieures et extérieures, à la peur du lendemain, aux premiers émois amoureux, aux choix irréversibles, aux joies intenses et aux peurs primaires… L’œuvre nous rappelle que la véritable réussite de l’être humain réside dans ce qu’il construit, dans les traces qu’il laisse, les liens qu’il tisse et la place qu’il occupe.

Porté par une musique évocatrice, ce spectacle muet, tout en nostalgie mais sans aucune amertume, présente également un sablier inversé qui se remplit au fur et à mesure que l’histoire de la vie de l’homme se déroule. Les grains de sables symbolisent le temps qui passe, les jours qui s’égrènent, la vie qui s’écoule.

En commençant par la fin pour explorer les commencements, « Aâd Aâksi » pousse le spectateur  prendre conscience que la vie, dans son imperfection et sa fugacité, est une succession de petites victoires et de leçons. Au-delà de la quête de l’instantané et du bonheur éphémère, ce qui importe vraiment est la reconnaissance de la beauté et de la richesse de chaque instant, aussi banal ou douloureux soit-il. C’est une reconnaissance qui nous permet de trouver une forme de paix intérieure. La prise de conscience de cela rend notre existence moins insignifiante, plus supportable, et peut-être plus satisfaisante.

Sara Kharfi


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