« OUSTOURAT CHAJARAT AL LOUBAN » : La vie, une éternelle renaissance

La salle de spectacles Madinat Al-Irfan Theatre de Mascate a accueilli, le jeudi 9 janvier 2025 à 21h, la représentation de la pièce « Oustourat Chajarat al Louban » (la légende de l’arbre à encens), dans le cadre de la compétition du 15e Festival du Théâtre Arabe,  qui se déroule jusqu’au 15 janvier dans la capitale du Sultanat d’Oman.

Produite par la troupe Mazoun d’Oman, mise en scène par Youssef Al Beloshi, et adaptée par Naim Noor d’après le roman « Moshka » de Mohamed Al Shahri, cette œuvre raconte une histoire d’amour impossible, tout en célébrant la nature, le cycle de la vie et la transformation de la souffrance en beauté. En effet, selon l’adage « rien ne se perd, tout se transforme », cette douloureuse histoire d’amour, les larmes de Moshka pour son bien-aimé Ghadir, et son sacrifice pour celui-ci donnent naissance à l’un des arbres les plus mythiques du Sultanat d’Oman, l’arbre à encens.

L’intrigue de la pièce se déroule dans un environnement frappé par la sécheresse, où naît une histoire d’amour entre l’humain Ghadir et Moshka, un génie venue du monde des djinns. Cette dernière se distingue par sa personnalité unique, différente de celle des autres génies. Elle chérit les humains et les perçoit comme des êtres inspirés et inspirants, dont la vie est d’une beauté profonde. L’amour de Ghadir pour Moshka bouleverse son comportement et ses relations avec sa famille et sa femme, car Moshka a capturé son esprit et son cœur. De son côté, Moshka se trouve en conflit avec son père et son peuple, les génies, qui considèrent cette relation comme un tabou. Elle traversera bien des souffrances et péripéties et,  dans un ultime geste, elle choisit de se transformer. Moshka devient l’arbre à encens.

L’aspect fascinant de cette histoire réside dans la transformation de la douleur de l’amour et des larmes, mais aussi du sacrifice en quelque chose de beau. La vie est une éternelle renaissance, et même la douleur la plus profonde peut engendrer de l’espoir ; Ce message puissant de la transformation sur les sentiers de la création résonne profondément dans la pièce.

Empruntant à plusieurs genres de théâtre, c’est le registre symbolique qui sied le mieux à la mise en scène de Youssef Al Beloshi, notamment avec la dualité entre le bien et le mal, la sécheresse (représentée par l’aridité de la région) et le prénom « Ghadir » qui signifie ruisseau ou rivière, le monde des djinns et celui des humains… La frontière entre ces deux mondes est floue, et n’est pas très bien apparue dans la pièce. Al Beloshi a choisi de dépeindre Moshka comme une figure de toute-puissance et de beauté intemporelle. D’ailleurs, dans la vision du metteur en scène, elle ne se transforme pas lorsqu’elle rejoint le monde des humains. Elle dit d’ailleurs à Ghadir, à un moment de la pièce qu’elle a choisi un corps sans savoir à quoi il ressemblait, car ce qui l’importe c’est l’essence. Ce choix symbolise l’idée que ce qui compte n’est pas l’apparence mais l’essence même de l’être.

La légende de l’arbre à encens est également un moyen de réfléchir sur la société, ses évolutions et ses valeurs. Elle interroge le code de l’honneur, la place de l’amour, celle de la femme, symbolisant la fécondité et le potentiel créatif. La scénographie de Youssef Al Beloshi est le point fort du spectacle. L’architecte de cette mise en scène a su créer l’univers des djinns de manière spectaculaires. Les danses extatiques et la musique de Youssef Al Harithi, inspirée par les sonorités traditionnelles omanaises, mais aussi par la gamme pentatonique considérée par de nombreuses cultures à travers le monde comme celle des esprits, ajoutent à cette atmosphère mystique. Le décor, représentant l’arbre à encens, les escaliers, ainsi qu’un jeu de lumière exceptionnel, oscillant entre ombre, rouge et clair-obscur, plongent le spectateur dans un monde envoûtant.

La chorégraphie, exécutée avec brio par le groupe de danseurs, ajoute une dimension supplémentaire à l’œuvre, tandis que la comédienne principale, Nadia Abid, a incarné Moshka avec une grande intensité. Elle a réussi à rendre son personnage à la fois puissant et vulnérable.

Cependant, il est à noter que cette magnifique esthétique visuelle, parfois envoûtante, a par moments pris le dessus sur le texte et la mise en scène. Dans cette quête du beau, du sublime, du presque parfait, le spectateur en a pris plein les yeux ! Une expérience sensorielle. « Oustourat Chajarat al Louban » est un voyage au cœur de la culture omanaise, et une célébration de la beauté et du vivant.

Sara Kharfi


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