Anys Mezzaour ou L’art de raconter des histoires*

Drame social, empruntant toutefois à plusieurs autres genres, et interrogeant les perceptions et les liens entre les individus, «Entendu  dans le silence» est le 4e roman d’Anys Mezzaour,  paru en octobre 2018 aux éditions Casbah.

Tout prédestinait Amir et Mélissa, personnages principaux du roman «Entendu dans le silence» d’Anys Mezzaour, à se revoir un jour. En attendant, chacun vivait dans son monde : Amir, informaticien à Alger, décroche un boulot de rêve et commence à s’en sortir socialement même si quelque chose manque à sa vie ; il le sait, le ressent mais ne saurait exprimer ce sentiment d’incomplétude. De son côté, Mélissa, parisienne «populaire, riche et branchée» se sent mal dans sa peau. En proie, elle aussi, à des problèmes intérieurs et à des sentiments contradictoires, elle quitte sa vie et ses repères pour un temps (celui des vacances), pour travailler en tant qu’animatrice dans un hôtel en Tunisie.

Et c’est là que Mélissa rencontre Amir, venu prendre quelques jours de repos. Les deux protagonistes nouent un lien puissant et développent une «relation singulière» consistant en des sentiments qu’ils n’arrivent pas à définir. Croyant en un nouveau départ après avoir fui leurs vies «antérieures», celles-ci finiront par les rattraper.

Commence alors une incroyable aventure les menant sur les traces de leur histoire, où ces âmes en souffrance seront (enfin !) les acteurs de leurs vies. Ensemble, ils seront plus forts pour affronter les dangers qui les guettent et pour faire face à la vérité qui finira par éclater et fera voler en éclats tout un monde édifié sur le mensonge. La vérité surgit et après le désordre, il n’y a de place pour rien d’autre que la paix.

Roman captivant, porté par le souci de l’auteur de raconter des histoires, ce qu’il fait avec aisance et talent, «Entendu dans le silence» est construit autour d’un prologue, d’un épilogue et de 13 chapitres titrés. Il y est question de mensonges, de manipulation, d’un passé refoulé et d’une vérité qui éclate pour bouleverser l’existence des deux protagonistes.

A part quelques lenteurs au tout début, l’intrigue se met rapidement en place dans ce drame social, qui emprunte à plusieurs autres genres (dystopie, thriller…) mais aussi aux codes de notre époque, pour dire l’impact et le pouvoir des perceptions, qui sont «les plus puissants moteurs de l’action».

«Entendu dans le silence» s’intéresse également à d’autres thèmes, allant des relations familiales et amicales aux relations amoureuses, en passant par le pouvoir d’Internet via les réseaux sociaux notamment. Un livre qui se lit d’une traite !

Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que ce roman est le premier d’Anys Mezzaour après la trilogie dans le genre «fantasy» : «Le Lien de temps», englobant «La Proie des Mondes», «La Terreur des Mondes» et «L’Espérance des Mondes», parus en 2013, 2015 et 2016 aux éditions Enag. Corécipiendaire du prix L’ivrEscQ» du jeune écrivain algérien en 2014, l’auteur, né en 1996, a été, en 2018, le parrain du Prix de la Nouvelle Fantastique initié par l’Institut français.

Par ce roman, «Entendu dans le silence», il sort de sa zone de confort, écrit sur notre époque telle qu’il la perçoit et nous conforte dans l’idée selon laquelle il est un des auteurs avec lesquels il va falloir compter à l’avenir. Pour le moment, Anys Mezzaour prouve qu’il sait raconter des histoires !

Sara KHARFI

  •  «Entendu dans le silence» d’Anys Mezzaour. Roman, 208 pages, éditions Casbah, Alger, octobre 2018. Prix : 700 DA.

*J’ai publié cet article, que je reproduis ici, dans les colonnes du quotidien « Reporters » (quotidien national d’information), le 26 novembre 2018.


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