Dans cet entretien, l’autrice Fella Andaloussia aborde les grands thèmes qui traversent son premier roman « Kamila, un volcan de sentiments ! ». Elle revient également sur son parcours et ses passions pour la littérature en particulier et les arts en général.
[Entretien réalisé par : Sara Kharfi]
- Comment est née votre roman « Kamila, un volcan de sentiments ! », paru en janvier 2022 aux éditions El Qobia ? Il me semble que vous avez commencé par publier des extraits, des chapitres sur les réseaux sociaux…
Fella Andaloussia : Tout d’abord je vous remercie pour tous les articles culturels que vous partagez sur votre page, et du temps que vous consacrez à la lecture de nos livres. Mon roman était sous forme d’une chronique (peu de descriptions, beaucoup de dialogues) que j’ai partagée sur la page « Mon avis de femmes » [sur facebook]. En lisant les commentaires positifs et encourageants des abonnées, je me suis dit : « Fella, un jour tu écriras ce roman, à la retraite. » Durant la crise de la Covid-19, je me suis abonnée à un groupe de lecture, « Les amoureux du livre » géré par Lynda poupette. Je partageais mes poèmes, qui ont aussi touché les membres, puis un jour, j’ai décidé de partager ma chronique qui s’intitulait : « Entre le cœur et la raison ». Elle avait beaucoup plu ; elle est devenue une année après un roman : « Kamila un volcan de sentiments ! ». Au fait, tout s’est passé très vite. J’ai été contactée par M. Wahid Ziadi, qui m’a encouragé à écrire mon roman, puis par MM. Beggache Ahcène et El Mahdi Berkani, qui ont été très professionnels et bienveillants. Mais c’est en rencontrant Mme. Meriem Guemache, lors de sa vente dédicace, à la librairie L’Arbre à dires que j’ai eu le déclic et l’inspiration pour écrire mon premier roman.
« Quand j’ai perdu ma tante maternelle suite aux complications du Covid-19, et que ma mère a failli y passer, j’ai décidé d’écrire ce roman, pour laisser une trace de notre vécu durant les années 80. J’ai appelé l’héroïne principale Kamila, pour perpétuer le prénom de ma tata, qui était un volcan d’amour et de sentiments. »
- La lecture puis l’écriture ont toujours fait partie de votre vie, mais qu’’est ce qui vous a décidé à sauter le pas et à vous faire publier ?
La lecture et l’écriture sont mes deux passions depuis ma tendre enfance. Je n’ai jamais sauté le pas pour me faire publier, par manque d’assurance. J’avais des doutes, même si beaucoup de personnes dans ce domaine m’ont dit de le faire. Mais quand j’ai perdu ma tante maternelle suite aux complications du Covid-19, et que ma mère a failli y passer, j’ai décidé de le faire, pour laisser une trace de notre vécu durant les années 80. J’ai appelé l’héroïne principale Kamila, pour perpétuer le prénom de ma tata, qui était un volcan d’amour et de sentiments.
- « Kamila, un volcan de sentiments ! » est l’histoire d’une jeune fille, qu’on suit de l’âge de 12 à 19 ans, qui découvre le monde avec candeur, innocence et émerveillement, et apprend la dure réalité de la vie à ses dépens. On assiste/lit aussi sa transformation physique, intellectuelle… Pourriez-vous nous dire dans quel environnement ce personnage a baigné ?
J’ai dressé sciemment le portrait d’une jeune fille avec des qualités et défauts extrêmes, complétement incompatibles, mon personnage se compose de 12 personnes que j’ai connues dans la réalité ; une fusion qui permet à chaque lecteur de se projetter et de trouver sa place. Je n’ai pas voulu la figer, je voulais la laisser libre. J’ai choisi de la faire baigner dans une famille intellectuelle et bourgeoise durant les années 80, mais très conservatrice.
- Malgré toutes les épreuves que Kamila traverse, elle continue de croire en la vie et de s’en émerveiller. Cette résilience, d’après vous, d’où lui vient-elle ?
A travers mon personnage Kamila, je raconte beaucoup d’histoires, je fais passer aussi des messages… Il s’agit certes d’une adolescente de 12 ans, mais elle est aussi une future femme, et je la voulais forte, courageuse, optimiste et résiliente, car la vraie vie est un fleuve de tourments, mais il faut se battre et croire en ses rêves, sans jamais baisser les bras.
- Le roman commence en 1982, lorsque Kamila a 12 ans. D’abord, quelle est la part autobiographique dans ce roman (en lisant votre biographie, votre personnage a exactement votre âge, elle fait des études en Informatique…) ?
Un auteur ne peut pas se détacher de son vécu, ce roman n’est pas autobiographique, mais certains points le sont. Quand je parle de son père, j’ai pris des qualités du mien, pour les études je dresse mon parcours à USTHB, mais pour les autres chapitres, j’ai voulu porter la voix de mes camarades, voisines, cousines, amies, en racontant une tranche de leurs vies à cette époque.
« Je voulais parler de chaque chose qui existait à l’époque et qui devient rare de nos jours : l’amitié sincère, l’amour vrai, le sens de la famille, les valeurs, le respect, etc. »
- Ensuite, comment vous avez trouvé le ton pour écrire sur ces années 1980 que vous avez traversé enfant ?
J’ai remarqué que nos enfants ne connaissaient pas bien cette époque, et n’arrivaient pas à croire que nous avons pu vivre très heureux sans internet, M. Google, facebook… Je voulais parler de chaque chose qui existait à l’époque et qui devient rare de nos jours : l’amitié sincère, l’amour vrai, le sens de la famille, les valeurs, le respect, etc.
- Dans votre récit, il y a beaucoup de mots du parler algérien. Se dessine aussi toutes les contradictions de la société, les belles traditions et un certain poids envers les femmes particulièrement. Cela a-t-il été un parti pris pour vous de raconter la réalité des femmes dans la société ?
Pour moi c’était important de parler du poids des traditions que subissait et continue à le subir l’adolescente, la jeune fille, la jeune femme, la divorcée, la veuve. Je voulais parler aussi de la fausse tolérance, qui est utilisée au gré des humeurs et intérêts. Je voulais aussi parler de la mutation du corps en décalage avec l’âge réel de l’enfant, fille ou garçon, des moyens archaïque de punition pour éduquer, de l’autorité des grands parents ou du patriarche.
- Le personnage du papa de Kamila est très attachant et incroyablement moderne ; cet homme qui « pousse [sa fille] vers la liberté ». Beaucoup de tendresse se dessine sous les traits de ce père, comment l’avez-vous conçu ?
Je voulais rendre hommage à mon défunt père, et je lui ai consacré un chapitre entier pour le décrire, et le remercier d’avoir cru en moi, tout en démontrant que la fille a besoin du respect et du soutien de son père pour s’épanouir et être forte quelle que soit la situation, alors que le garçon a besoin de l’amour de sa mère pour en donner plus tard à sa femme et sa future famille. On ne peut pas exiger d’un enfant d’aimer une fois adulte alors qu’il n’a jamais entendu le mot « je t’aime », qu’il a été rejeté par l’un ou l’autre de ses parents.

- Peut-être considérer votre livre comme un roman d’apprentissage ?
Oui, on m’a déjà dit que mon roman est un guide d’apprentissage, mais c’est trop d’honneur pour moi. En l’écrivant, j’y ai mis tout mon cœur, j’ai écrit sur une tranche de vie qui était pour moi nécessaire. Kamila, il parle de vies vécues par toute une société durant les année 80, d’art, de chansons, de traditions, de voyages, de notre beau pays, du bonheur, de la famille, des voisins, des amis, de l’amitié, de l’amour et de la place qu’avait le livre à l’époque, car tout le monde lisait.
- L’idée de grandir aussi est fortement présente, au même titre que celle de la renaissance, ou plutôt la naissance d’une femme après bien des péripéties…
Kamila est un personnage universel ; nous passons tous par les mêmes phases. Nous naissons, nous grandissons, en passant par l’enfance, l’adolescence, l’âge adulte, puis la vieillesse, ce qui va faire notre différence, c’est le milieu dans lequel nous avons vécu, l’amour que nous avons reçu de nos parents, la langue, le pays et la religion. Je voulais aussi rappeler aux parents qu’ils ont été aussi enfants, et ont vécu les mêmes blessures, se sont posé les mêmes questions, pour qu’ils se rattrapent avec leurs enfants, en étant plus indulgents.
- Y aurait-il une suite à ce roman ? On ne peut pas quitter comme ça Kamila…
Oui, il y aura la suite de Kamila. D’ailleurs, j’ai laissé des indices. L’histoire n’est pas encore terminée, Kamila a droit au bonheur, comme chacun de nous. Le tome 2 est en écriture, j’informerai les lecteurs dès sa parution.
- Fella Andalousie est un pseudonyme. Pourquoi le choix de vous faire publier sous un pseudonyme ?
Fella Anadaloussi est le pseudo qui m’a porté chance, car mes premiers lecteurs étaient virtuels, ils m’ont encouragé sans me connaitre, et je voulais les remercier. Fella c’est le prénom d’une amie, andaloussia est liée à mon amour pour le chant andalou, l’histoire arabo-andalouse et la langue espagnole que j’adore.
- Pourriez-vous, même brièvement, revenir sur votre parcours, qui est plutôt technique ? Et, quelle place tient l’écriture dans votre vie ?
Il est vrai que mon parcours est purement technique, mais initialement j’étais en classe scientifique, au CEM et lycée. Je voulais faire médecine pour être chirurgienne en neurologie. Mais comme j’ai mal rempli ma fiche de vœux, étant certaine qu’avec ma bonne moyenne j’accéderai à mon premier choix, je me suis retrouvée à cause de 0,25 points en moins, à l’USTHB et ma vie technique a commencé sans jamais s’arrêter. L’écriture a toujours tenu une place spéciale dans ma vie. J’ai tenu depuis mon jeune âge plusieurs journaux intimes, et j’écrivais tout ce qui me touchait. A onze ans j’ai commencé à écrire mes premiers poèmes, j’ai aussi beaucoup correspondu à travers des lettres. L’écriture ne m’a jamais quittée.
S. K.
- « Kamila, un volcan de sentiments ! » de Fella Andaloussia. Roman, 232 pages, éditions El Qobia, Algérie, Janvier 2022.
Bio express
Née en 1970 à Alger (Bologhine), Fella Andaloussia est diplômée de l’université Houari Boumediene (USTHB), en informatique, et de la faculté d’Alger des sciences sociales et économiques (Licence classique en économétrie). Passionnée de lecture, de poésie, d’arts, elle partage depuis des années, sur les réseaux sociaux ses poèmes, ses chroniques, qui sont appréciés et relayés dans des groupes. Son premier roman, « Kamila, un volcan de sentiments ! » est le fruit d’un long parcours passionnel avec la littérature.
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