« Chambre 36 » de Fateh Boumahdi : Les incompris de la société

[Par Amine IDJER]

Après « Avec toi je perds mes repères » (El Ibriz, 2019), le jeune écrivain Fateh Boumahdi récidive avec un deuxième récit, chez le même éditeur, intitulé « Chambre 36 ». Un texte qui raconte les déboires de plusieurs personnes. Leur point commun : chacune d’elle ayant vécu un drame qui a fait basculer, du jour au lendemain, sa vie. Considérées comme potentiellement dangereuses, ces personnes sont internées dans un hôpital psychiatrique de la capitale Alger pour être soignées.

Fidèle à son univers d’écriture, l’auteur signe un autre récit psychologique. Il plante le décor dès l’entame. Le lecteur découvre de facto le lieu de la trame : un hôpital psychiatrique, et fait ainsi la connaissance d’Assil (l’authentique), qui raconte son séjour au sein de cet hôpital. Huit mois et sept jours… telle est la durée de son internement qui prend fin. Il quitte sa chambre 36, et raconte son histoire, mais aussi celle de certains locataires de cet établissement psychiatrique : Thassaâdith, Malek, et El Djouher, cette dernière étant l’infirmière que tous les pensionnaires aiment, la considérant comme une nounou, car aux petits soins pour eux.

Assil décrit sa chambre et l’hôpital. Il nous fait découvrir les autres. Il nous raconte leurs histoires, les raisons de leur internement avant de raconter la sienne. Avec la voix et les yeux d’Assil, l’on pénètre dans un univers occulté, voire honni par la société, qui considère les établissements psychiatriques comme sujet tabou, pire qu’une prison. Un monde peuplé de personnes incomprises, des laissés-pour-compte qui évoluent à la marge. Des personnes fragilisées également par le poids de la vie, par le contexte social, et ayant vécu des drames improbables. Au lieu de les comprendre et de tenter de comprendre les raisons de leurs actes, leur entourage, et par ricochet la société, les pointe du doigt…

« Chambre 36 » est un récit analepse. Pour décrire et raconter ses personnages, l’auteur fait un sempiternel va-et-vient entre le passé et le présent. Histoire de permettre au lecteur de les comprendre. Ils sont fragiles à cause des conséquences de leurs drames respectifs et de la prise d’antidépresseurs qui les affaiblissent, les ramollissent. Ils deviennent amorphes, vivant dans un monde qui n’est pas le leur. Un monde imposé.

Malgré leur « emprisonnement » forcé, Assil, Thassaâdith et Malek rêvent de liberté, encouragés en cela par El Djouher. Ils rêvent d’une vie de l’autre côté des murs de l’hôpital. À force de se côtoyer tous les jours, de discuter et d’échanger, des liens se tissent. Assil se projette. Il est porté par l’amour. Ce sentiment qui fait pousser des ailes, qui donne du courage et un sens à la vie.

Assil s’accroche. Il quitte sa chambre et l’hôpital. Il ne sera pas le seul. Si au début, il est désemparé, il se ressaisit très vite. Il ne veut pas baisser les bras ni abandonner ses rêves et ses projets. Car des rêves et des projets il en a plein la tête. Il sait que le meilleur est à venir. Il en est plus que persuadé. En partant, il promet à ses amis qu’il reviendra les chercher. En quittant l’enceinte de l’établissement, il sait ce qu’il lui reste à faire : vivre ou réapprendre à vivre. Pour cela, un voyage à des dizaines de milliers de la capitale s’impose. Un voyage initiatique, celui du renouveau.

« Chambre 36 » un récit qui se lit d’une traite. Une écriture légère qui ne s’encombre pas de fioritures. Avec la voix d’Assil, Fateh Boumahdi dénonce la marginalisation « volontaire » de ces « incompris » car victime de la société et de ses codes.

A. I.

  • « Chambre 36 » de Fateh Boumahdi. Récit, 104 pages, éditions El Ibriz, Alger, 2020. Prix : 500 DA.

#Rendez-vous. Fateh Boumahdi sera présent, le samedi 19 juin 2021 à partir de 14h à la Librairie Point-Virgule de Chéraga (Résidence Nour, rue des Abattoirs, Chéraga, Alger. En face du Lycée Issiakhem), pour présenter son récit « Chambre 36 ». L’autrice Meriem Guemache sera également présente pour présenter son roman « Zelda » (éditions Casbah).

Bio express

Né en 1998 à Alger, Fateh Boumahdi est titulaire d’une licence en droit privé (Université d’Alger). Passionné par la littérature, il commence à écrire l’âge de 20 ans. Il publie en 2019 « Avec toi je perds mes repères ». « Chambre 36 » est son deuxième récit. Il vit et travaille (journaliste à la chaîne 3) à Alger. Il est lauréat, ex æquo, du Prix du président de la République pour les jeunes créateurs « Ali-Maâchi » 2021, dans la catégorie Littérature.


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