Dans cet entretien, Abdelmoaiz Farhi revient sur les différents thèmes qui traversent son roman « Fayla », paru récemment aux éditions Casbah, et plus largement, sur sa manière d’écrire ce livre, qui s’intéresse à un groupe d’adolescents préparant l’examen du BAC et hantés par une créature d’outre-tombe qui cherche la réparation par la vengeance.
[Entretien réalisé par Sara Kharfi]
Vous avez publié tout récemment aux éditions Casbah, votre deuxième texte « Fayla », un roman d’épouvante qui s’intéresse à une créature d’outre-tombe revenue se venger de la descendance de ceux qui lui ont fait du mal. Comment est né ce roman ? Qu’est-ce qui vous a inspiré ?
- Abdelmoaiz Farhi : Lors de l’été 2019, et après la lecture de plusieurs romans de Stephen King, et après une année scolaire assez angoissante, je voulais raconter le BAC à ma manière, en posant la problématique de la vengeance et du pardon. Pour faire court, FAYLA, c’est le fruit de mon année de BAC, des lectures de la période qui a précédé la rédaction et des questions que je me posais et que je me pose encore d’ailleurs.
Le personnage de Fayla, d’une certaine manière, incarne la peur. Comment écrit-on la peur ou sur la peur ? Pourquoi ce thème en particulier ?
- La peur est une sensation forte, dynamique et par la même occasion, complexe à décrire ; elle est spécifique et propice à chacun. Il est nettement plus facile d’écrire une histoire qui fait rêver qu’une histoire qui fait peur. Mais c’est une sensation que j’adore, j’aime faire peur (suis-je sadique ? Peut-être), j’aime aussi avoir peur ; je ne vous cache pas qu’il y avait deux ou trois scènes qui m’ont fait peur pendant l’écriture.
Fayla hante un groupe de jeunes adolescents qui préparent le BAC. Bien évidemment, je me suis demandée ce qui faisait le plus peur à ces jeunes : l’inconnu/ l’occulte ou le BAC, mais plus sérieusement, ces (nombreux) protagonistes du roman sont en train de se préparer à quitter un monde pour un autre. Outre le fait que c’est un univers que vous connaissez bien (vous êtes étudiant actuellement), était-ce un choix volontaire à savoir, cette période de la vie ?
- Cette transition de l’adolescence à la vie adulte ne peut se faire avec douceur, je suis convaincu de cela, il me reste à le prouver, mais ce sera pour plus tard. Oui, c’était un choix volontaire, car c’est une période que je connais bien, je ne pouvais pas écrire sur la paternité ou sur la responsabilité, moi qui n’était qu’un simple lycéen dorloté par ses parents. Donc, j’ai fait en sorte de raconter mon histoire à travers plusieurs personnages, parce que j’adore mélanger la réalité avec la fiction.
Votre roman pose également une importante question : « pardonner ou se venger ? » C’est une question qui vous travaille/ travaille votre réflexion en tant qu’auteur ?
- Oui, énormément. En tant qu’auteur et même en tant que personne. Faut-il pardonner ou venger ? J’ai pu arriver à la conclusion que si on faisait de la vengeance une obsession, ça finissait par nous détruire, que le pardon offre une paix intérieure, car il faut croire en la justice divine, c’est elle qui va nous ramener nos droits.
Puis il y a la vérité qui finit par éclater dans le roman et qui libère tous les personnages. Le prix à payer est cher tout de même pour nos jeunes adolescents. Peut-on vivre avec la vérité, selon vous et toujours en suivant la logique du roman ?
- Parfois, l’idéal c’est de rester dans l’ignorance. Les humains changent d’une période à une autre, le passé doit rester là où il est, il faut juger le présent mais s’il est découvert, il est nécessaire de se doter d’une certaine compréhension, d’autant que nul n’est parfait et que des erreurs on en commet tous et on ne cessera d’en commettre.
Deux points remarquables dans votre roman : l’ouverture d’esprit et une sorte de regard décomplexé sur le passé, et l’absence de manichéisme. En effet, pour ce dernier point, la majorité des personnages sont humains, même les créatures au service de Fayla ont quelques traits sympathiques.
- Ah oui c’est vrai, là c’est venu tout seul, je n’ai pas choisi et puis, je ne me vois pas capable de créer un personnage autre qu’humain. La nature humaine est fascinante par sa contradiction et sa complexité, c’est pour cela que tous mes personnages sont humains, bourré de défauts comme chacun de nous.
Stephen King est une des références majeures dans ce roman puisque vous le citez à de nombreuses reprises. Quelles ont été vos autres références/lectures pour l’écriture de ce texte ?
- Maxime Chattam, Le Signal et Les Abysses du temps, quelques nouvelles de H. P. Lovecraft et Le Horla de Maupassant et…non c’est tout.

Avec « Fayla », vous avez changé de registre (comparativement à votre premier roman), pourquoi ?
- J’ai procédé à ce changement pour trois raisons. La première était pour attirer plus de jeunes à la lecture, et par la même occasion, rajeunir le lectorat algérien. Pour cela, j’ai essayé de proposer un livre qui peut intéresser les jeunes. La deuxième était de tenter un autre genre et de tester mes compétences, pour savoir notamment dans quel genre je me sens le mieux. Enfin, la troisième raison est que je suis passionné par les sensations fortes et la peur. D’ailleurs, même l’amour est une sensation forte.
Qu’est-ce que l’écriture, dans ce genre en particulier (l’épouvante, le thriller), vous a appris, apporté ?
- Que l’imagination n’a pas de limites, que la vraie peur consiste à perdre ses proches et que parfois, il faut avoir peur. Je rajoute souvent dans les dédicaces « Bonne peur » : je la souhaite car j’ai appris que pour savourer une vie, il faut tout sentir.
Dans la plupart des cas, les livres de ce genre sont plutôt volumineux, impliquent des suites etc. Vous avez fait le choix de la concision, ou ce n’était pas un choix ?
- Il est vrai que pour qu’un livre d’horreur fasse son effet, il faut qu’il soit un gros livre, pour qu’un lien se forme entre le lecteur et les personnages, mais ce n’est pas toujours le cas. King a plusieurs livres qui ne dépassent pas les 300 pages, Le Horla de Maupassant fait moins de 100 pages, donc c’est une question de description et non de longueur. Pour FAYLA, je n’ai rien choisi du tout, j’ai arrêté d’écrire quand la voix intérieure a cessé de dicter à mes mains les mots. Ne me demandez pas d’expliquer car j’ignore comment ça fonctionne.
Envisagez-vous de prolonger vos réflexions sur le monde dans le roman à travers ce genre en particulier ou vous allez essayer d’explorer d’autres univers littéraires ?
- Non, pour l’instant, je ne pense pas à revenir à l’horreur, même si je ne regrette rien pour FAYLA. Il y a cependant encore beaucoup à dire sur plusieurs choses, alors je vais changer de cap tout en continuant mon projet qui consiste à rajeunir le lectorat algérien.
S. K.
- « Fayla » d’Abdelmoaiz Farhi. Roman, 160 pages. Éditions Casbah, Alger, Mars 2021. Prix : 700 DA.
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