Son long-métrage, « La Maquisarde », adapté de son essai éponyme paru en France (chez Grasset) et en Algérie (chez Sedia), est sorti dans les salles françaises, le 16 septembre 2020. Nora Hamdi y retrace le parcours de la jeune paysanne, Neïla, qui devient une « combattante » et se retrouve dans une prison secrète, en 1956. Dans cet entretien, la réalisatrice revient sur son film (adapté de son 5ème livre) qui aborde, surtout, le rôle de la femme durant la guerre de Libération nationale.
Votre film, La Maquisarde est sorti dans les salles françaises, le 16 septembre 2020. Qu’est-ce qui vous a motivé à porter votre livre à l’écran ?
Nora Hamdi : J’avais envie de mettre des images sur les mots, pour toucher directement les gens, car tout le monde ne lit pas et passer par des images est plus parlant. Puis aussi, d’un point de vue personnel, je suis restée avec un peu frustrée quand j’ai montré le livre à ma mère en me disant qu’elle ne pourra pas le lire, car elle est illettrée. Elle fait partie de cette Algérie qui a vécu le colonialisme qui mettait le peuple dans l’ignorance en évitant de leur donner le savoir, alors, je suis allée jusqu’au bout, avec les images. Elle a enfin vu ce que j’écrivais…
Le film suit le parcours de Neïla, une jeune paysanne qui devient maquisarde, et se retrouve, en 1956, dans une prison secrète, avec la résistante Suzanne, suspectée, elle, d’aider le FLN. Ensemble, elles se battront pour survivre. Pourquoi ces deux histoires particulièrement ?
J’avais envie de mettre en scène ces deux femmes qui tout opposent à première vue, mais que tout rapproche dès qu’elles vont se parler. Ces deux femmes sont la symbolique de l’Algérie résistante et de la France anticoloniale. Suzanne est une « objectrice » de conscience aussi et c’était toute la complexité du personnage, mais aussi des femmes dans cette guerre.
Voir la bande annonce https://www.youtube.com/watch?v=CMSkrSuNx_w&ab_channel=Lesbandesannonces%21
Au-delà de vouloir raconter en images l’histoire de votre mère que vous avez déjà écrite dans le livre, La Maquisarde est-il un film sur le rôle des femmes dans la guerre de Libération, qui demeurent pas suffisamment visibles d’ailleurs ?
Oui, j’ai fait ce livre et ce film pour mettre en lumière ces femmes pendant la guerre car elles n’avaient aucune visibilité, même si on connaissait certaines icônes, moi ce qui m’intéressait, c’était les femmes de petites conditions, les populaires, les paysannes, les citadines, toutes ces femmes à qui on ne donnait pas la parole et qui de par leur situation, ne pouvaient pas prendre la parole.
Quelles sont les raisons de cette « invisibilité », selon vous ?
Le patriarcat, surtout dans ces pays, même s’il est aussi en France. Les petits garçons sont éduqués à parler, se mettre en avant, à être des héros, faire la guerre, pas les petites filles. Les rôles sont déjà prédéfinis dès l’enfance, les femmes sont conditionnées au contraire de l’éducation des garçons, c’est en cela qu’il ne faut pas oublier que leur engagement dans cette guerre, c’est inédit. En tant que femmes, elles sont sorties de leurs conditions par cette situation. Elles ont connus quelque chose de grand, elles le savent, mais la tradition fait qu’elles se taisent et laissent parler les hommes.
Votre film est inspiré de votre livre, mais il est en même temps très différent puisque l’essai était partagé en deux parties : votre mère-personnage s’exprime à la première personne ; et celle où vous entrez en scène en tant que narratrice. Comment vous avez construit votre scénario ?
Mon choix sur les changements ont été avant tout économiques, en mettant en scène la partie en huis clos qui existe dans le livre, mais avec le recul, je comprends que c’est un choix très fort, car il va au centre du problème, du sujet, de la dramaturgie. À chaque fois que j’écris, soit un livre, soit un film, j’entre dans la peau du personnage que je créé pour voir s’il est crédible, et plus que jamais, ce personnage s’inspire de l’histoire de ma mère.
Combien de temps vous a pris l’écriture de votre film ? Vous avez d’ailleurs séjourné en résidence à la villa Dar Abdeltif à Alger, il y a quelques années pour l’écriture de ce scénario. Et pourquoi la phase d’écriture a pris du temps ?
Cette phase a pris du temps car les financements n’ont pas été là ; même si en effet, j’ai écrit le scénario de la version du livre bien différente que celle actuelle, à l’époque, je pensais qu’il était possible de la faire, car j’avais le ministère de la Culture qui m’avait invité à sa résidence d’écriture, m’avait aussi ouvert les archives cela m’avait aidé, j’avais même commencé un casting là-bas. Mais je pense que l’Algérie, étant encore un jeune pays, car son indépendance est d’une soixantaine années, n’est pas encore en mesure d’avoir des structures comme en France sur le cinéma, surtout indépendant. Même s’il se passe beaucoup de choses en cette matière, le pays doit se battre encore pour la culture, car n’oublions pas que depuis la décennie noire, beaucoup de cinéma ont fermés et depuis, il n’en existe pas suffisamment à mon sens.

Quel a été l’accueil de votre long-métrage en France ?
C’était une belle surprise car pour un film d’auteure, autoproduit, j’ai eu une bonne presse par des journaux que j’aime bien, et j’ai fait une tournée en France et en Corse, avec à chaque fois des rencontres débats, passionnants où le public à chaque fois était touché par mon film, cela m’a beaucoup émue.
Le film sera-t-il projeté prochainement en Algérie ?
J’adorais qu’il le soit en effet, car avant sa sortie en France, il avait été dans deux festivals à Bejaïa et Saïda où il avait rencontré un beau succès.
Plus généralement, comment est né votre intérêt pour l’histoire de l’Algérie, et particulièrement celle de la guerre d’indépendance ?
D’abord parce que c’est l’histoire de mes origines, l’histoire de mes parents, et d’une certaine manière, mon histoire, car cela fait partie de moi. C’est en connaissant sa propre histoire, avec un grand H, que l’on apprend à se connaître, cela nous rend clairvoyant dans notre histoire de se connaître à travers ce que l’on porte. Peu importe ce que l’on en en fait, au moins, nos ne restons pas dans l’ignorance. La mémoire rend fort.
Sara Kharfi
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ce n’est pas un essai mais un roman
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