Live avec Rabia Djelti sur « Novelphilia Society »

La poétesse, romancière, universitaire et traductrice, Rabia Djelti était l’invitée, lundi soir, du live de la page facebook « Novelphilia Society ». Au cours de cette rencontre, l’écrivaine a abordé plusieurs thèmes autour de son écriture, ses rapports à la poésie et à la prose, le sens de la traduction, et la place de la culture dans la société et dans la vie des gens. Avec beaucoup d’humilité et de générosité, Rabia Djelti a offert, aux internautes, un voyage vers la beauté, vers un monde où les mots ont le pouvoir.

Rabia Djelti a, d’abord, évoqué la crise sanitaire mondiale, et le confinement, indiquant : « Je passe beaucoup de temps dans ma bibliothèque. Je passe mon temps à lire surtout, et à écrire. Je relis aussi des livres que j’ai lu dans mon adolescence avec un autre regard et une autre sensibilité ». Durant ce confinement, elle a également terminé un roman qu’elle a intitulé Ar-Raqissa oua Gilgamesh (La danseuse et Gilgamesh).

Questionnée à propos de l’écriture et de son choix de mener une carrière d’écrivaine, Rabia Djelti a expliqué que le monde des mots a toujours fait partie d’elle. Elle a « rencontré » les livres grâce à la grande bibliothèque de son père, et ce, dès son jeune âge ; ensuite, à l’école, elle aimait écrire et conter des histoires à ses camarades de classe. « Cet art du conte, je l’ai appris de ma grand-mère paternelle », a-t-elle souligné.

Ses débuts avec la poésie remontent à l’année 1981, lorsqu’elle a publié son premier recueil. Et c’est tout naturellement qu’elle dit avoir écrit des romans par la suite. « La poésie a sa logique, ses outils, ses spécificités, et la narration a aussi ses codes, ses caractéristiques, ses spécificités. Mais pour moi, la poésie est quelque chose qui fait partie de notre ADN, ça fait partie de la construction de l’être humain qui le rend plus doux, plus fragile… », a-t-elle estimé. Et d’ajouter : « Je pourrais renoncer au roman qui est un travail et une recherche, mais je ne pourrais jamais renoncer à la poésie. Car, la poésie renouvelle la langue continuellement. J’ai appris de la poésie à être précise avec la langue ». Si la langue savante est celle de la poésie, le mélange entre langue et culture savantes et populaires est le propre du roman. Selon Rabia Djelti, « la vie s’exprime avec aisance dans le roman, alors que la poésie est un couteau tranchant, on doit être précis ». Mais l’autrice ne choisit pas le genre dans lequel elle s’exprime, le genre s’impose à elle tout naturellement. Et pourquoi choisir ? Rabia Djelti voue une grande admiration pour des auteurs qui ont su allier les deux genres avec maestria, comme Jorge Luis Borges, qui est un des ses écrivains préférés. 

Concernant sa manière d’écrire et le choix de ses thèmes, Rabia Djelti indiquera être « dure avec [elle]-même », qu’elle fait un gros travail de documentation avant le passage à l’écrit. D’ailleurs, pour son roman qu’elle vient de terminer, elle a expliqué avoir lu tout ce qui a été écrit sur Gilgamesh, que ce soit en arabe, en français ou en espagnol. Pour elle, il est important également d’être « habitée » par les questions dont on traite. Ce renouvellement continuel, cette discipline et rigueur, l’autrice l’a également acquise grâce à l’enseignement universitaire qu’elle pratique depuis 30 ans. Car, pour elle, lorsqu’on est enseignant, « on est obligé de lire, de faire des recherches, de se renouveler ». Pour ce qui est l’aspect visionnaire voire « prophétique » de certaines de ses œuvres, elle déclarera que cela « n’est pas à la portée de tous, ça demande une grande capacité d’isolement ». D’observation aussi et d’esprit critique surtout. « Nous vivons dans le vacarme, où les gens sont obsédés par la vie, mais lorsqu’on observe le monde dans le silence, on arrive à percevoir certaines choses », signale-t-elle.

Quant à la musique, qui occupe une place particulièrement importante dans sa vie, l’écrivaine expliquera que, tout comme pour la lecture et le livre, elle l’a accompagnée depuis son enfance, et il s’agissait d’abord de la musique soufie, que pratiquait son grand-père maternel. C’est avec « crainte et fascination » que l’enfant qu’elle était voyait ces rassemblements autour de la musique. « L’amour de la musique m’habite. Et à titre d’exemple, dans mon livre Sirat Chaghaf, j’ai beaucoup parlé des musiciens algériens », a-t-elle signalé.

Interrogée par les modérateurs sur la traduction de la poésie, l’autrice de Les Ailes de Daouya, elle-même traductrice, a souligné qu’il n’était pas facile, voire pas évident, de traduire de la poésie, mais la traduction est véritablement une belle expérience, surtout lorsqu’elle est bien menée. « La traduction est un tissu très délicat, c’est comme de la soie. Mais elle peut mener à quelque chose de vraiment merveilleux. Je me rappelle trois cas de traduction, dont un aux Pays Bas, où un de mes poèmes, Schizophrénia (écrit dans les années 1990), avait été traduit vers le néerlandais par un grand écrivain. J’ai lu mon texte en arabe et le traducteur a lu sa traduction et à la fin, on a eu droit à une standing-ovation, parce que la traduction avait eu un impact sur l’auditoire », se souvient-elle. Et de souligner que la traduction est « essentielle ».

Pour ce qui est la littérature féminine et son opinion sur cette classification, l’autrice dira qu’il est « dérangeant » de parler d’une littérature féminine, car « la femme écrit avec conscience et c’est l’humain qui l’intéresse. Cependant, on peut parler de sensibilité féminine, mais lorsqu’on dit ‘écriture féminine’ c’est comme si c’était quelque chose de subordonné ». A cela s’ajoute, « le machisme de certains intellectuels », le fait « qu’on ne prête pas attention à ce que la femme écrit, et qu’on ne pense à elle que le 8 mars », relève-t-elle, tout en se disant « optimiste » quant à l’avenir, et tout en pointant le rôle essentiel de la culture dans la vie des gens, et dans l’équilibre de la société. Pour elle, tout commence par l’éducation et l’école pour l’épanouissement des êtres et pour une société tolérante.

Par ailleurs, « Novelphilia Society » est une page facebook qui tend à favoriser l’échange et à créer des débats autour de lectures et d’analyses de textes littéraires. Cette page, qui s’est déjà constituée une belle communauté de lecteurs, organise également des live facebook avec des écrivain.es.

Sara Kharfi

La rencontre intégrale : https://www.youtube.com/watch?v=pqTfAISv4xE


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